Depuis le milieu du XIXe siècle, la surface forestière a environ doublé en France (Koerneran1999). Ces nouvelles forêts croissent en majorité sur d’anciennes terres agricoles. Parallèlement, certaines anciennes forêts surexploitées ont également été reboisées. Dans le massif vosgien, il s’agit principalement dans les deux cas de plantation de résineux sur des sols acides. Dans ces nouvelles forêts, nous avons étudié la composition chimique et isotopique (C, N, C/N, d15N) de l’horizon A1 des sols, ainsi que la disponibilité de l’azote, mesurée par incubations en laboratoire et estimée à travers la composition floristique des espèces de sous-bois (indice d’Ellenberg), Nous les avons ensuite comparées à celles des forêts immémoriales voisines, qui n’ont jamais été cultivées. Deux études, couvrant deux types de paysages et deux échelles d’informationAndont été effectuées. La première portait sur seize anciennes fermes isolées dans la forêt et abAndonnées entre 1898 et 1945. Quatre usages anciens des sols de ces fermes (pâture, pré de fauche, champandjardin) ont été identifiés sur les cadastres napoléoniens et sur le terrain, et comparés aux forêts résineuses immémoriales adjacentes. Les sols anciennement enrichis par la fertilisation organique (pré, champandjardin) se distinguent de ceux non ou peu enrichis, voire appauvris (forêt, pâture) par un rapport C/N plus bas, un d15N plus élevé, une nitrification potentielle plus forte et une végétation plus nitrophile. Le d15N des sols et d’une espèce de sous-bois (Dryopteris carthusiana (Villar) H.P. Fuchs) varie positivement en fonction de l’intensité des anciens usages et vraisemblablement surtout en fonction de l’intensité de la fumure organique. Une relation empirique permet de décrire le gain de nitrification par rapport à la forêt immémoriale en fonction de l’augmentation relative de d15N des sols. La seconde étude portait sur un bassin versant d’altitude, dont une partie était pâturée au siècle dernieranet le reste consistait en forêt surexploitée (hêtraies, hêtraies-sapinières et sapinières). Les sols anciennement pâturés se distinguent de ceux des forêts immémoriales par un d15N plus élevé et une nitrification potentielle plus basse. La nitrification potentielle des sols des forêts immémoriales est plus élevée dans les hêtraies et hêtraies-sapinières actuelles que dans les peuplements résineux. Il apparaît donc que le cycle de l’azote en forêt est très fortement influencé par les anciens usages des sols et que ce passé doit nécessairement être pris en compte pour interpréter des dynamiques actuelles. Des mesures indépendantes montrent que des flux de nitrate important sont drainés à la base de sols de nouvelles forêts plantées sur d’anciennes terres agricoles. Le drainage de nitrate appauvri en 15N, probablement issu de la minéralisation d’une fraction de la matière organique accumulée pendant la période agricole, pourrait participer au maintien de fortes valeurs isotopiques dans les sols précédemment cultivés.
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