L’identification d’indicateurs robustes et quantifiés de la fertilité du milieu en vue d’une évaluation à long terme de la durabilité des systèmes de culture est une préoccupation majeure de la recherche agronomique actuelle tant dans les pays du Nord que du Sud. Cette question a été abordée au tout début du XIXe siècle par l’agronome allemand Albrecht Daniel Thaër et il nous paraît intéressant de rappeller ici ses travaux. Dans un premier temps nous resituons l’oeuvre de Thaër dans son contexte historique de la fin du XVIe (Palissy) jusqu’au milieu du XIXe siècle (Liebig). Puis nous montrons comment Thaër élabore une échelle de fertilité quantifiée (en ‘ degrés de fécondité du sol ‘) extrèmement élaborée intégrant les propriétés du sol la demande de la plante les itinéraires techniques mis en jeu et les successions culturales. Ces degrés se réfèrent à une productivité pour une céréale st, ard le seigle l’unité est le scheffel de seigle par journal (environ 2 q/ha). A partir de cet outil Thaër analyse de manière chiffrée la pertinence des principaux systèmes de culture de l’Allemagne de l’époque (assolements complexes) pour le maintien ou l’amélioration de la fertilité du milieu. Il donne une échelle de ‘ Valeur intrinsèque du terrain ‘ (tableau 1). Ses commentaires s’inscrivent directement dans la problématique de la durabilité. Des applications sont données pour l’analyse d’assolements complexes (tableau 2). Les calculs sont faits pour 8 systèmes de culture plutôt théoriques (tableau 3) et 9 systèmes réels. Les mêmes tendances de variation sont observées entre les deux approches. Ici Thaër fait en quelque sorte de la modélisation sans le savoir. Enfin Thaër complète cette analyse agronomique par une analyse économique extrèmement détaillée de ces 9 systèmes de culture (tableau 4) et commente les limites et potentialités de chacun. Ce système de Thaër a été très utilisé pendant un demi-siècle et probablement avec succès car intégrant un gran nombre de connaissances empiriques sur les sols et la fertilisation organique. Malheureusement les bases scientifiques de ce système la ‘ théorie de l’humus ‘ se sont avérées définitivement fausses à partir de 1840 avec les travaux de Liebig et la ‘ théorie de la nutrition minérale ‘ des plantes. Ceci a beaucoup nui à Thaër pour sa célébrité posthume et l’on a un peu oublié au-delà de ce choix théorique mauvais mais aux applications pratiques efficaces combien cet homme fut un gran savant. Il mérite d’être redécouvert aujourd’hui avec nos propres interrogations.
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