• AFES - Association Française pour l'Étude du Sol
  • L’AFES est la branche française de l'Union Internationale de Science du Sol (IUSS, International Union of Soil Science)

La problématique

Les sols urbains sont fréquemment considérés par les acteurs urbains comme des espaces de projets, des surfaces en deux dimensions. La profondeur des sols (3eme dimension) commence à être prise compte en lien avec des problématiques d’infiltration de l’eau, les caractéristiques géotechniques et de plus en plus les problématiques de pollution.
Il y a un enjeu fort à faire évoluer ces perceptions pour aller vers la prise en compte des sols comme volumes de vie structurés en trois dimensions , présentant chacun des caractéristiques physiques, chimiques et biologiques particulières, pouvant être optimisées en fonction de l’usage donné aux sols.
Le concept de multifonctionnalité des sols englobe les fonctions écologiques des sols et les fonctions anthropiques (voir schéma ci-dessous). Ces fonctions sont imbriquées et dépendent des qualités physiques, chimiques et biologiques des sols.
Même si 80% de la population mondiale vit en ville, les zones urbaines ne représentent que 10% de la surface terrestre. Cependant, les 17 millions de Français propriétaires de jardins gèrent collectivement plus d’un million d’hectares de sols urbains, soit 4 fois la surface des Réserves Naturelles de France ! Les sols urbains sont donc quantitativement importants.
On s’intéresse de plus en plus aux services que les sols urbains rendent. Ces services sont fortement dépendant de l’usage alloué aux sols et il s’avère également que la biodiversité de ces sols joue un rôle crucial dans la pérennité de ces services : formation du sol, atténuation du changement climatique et des aléas, stockage et purification de l’eau, prévention de l’érosion, production d’aliments….
Et pourtant la biodiversité des sols urbains peut être impactée par plusieurs types de menaces anthropiques : artificialisation, pollution, excavation, … On considère généralement les sols urbains comme « dégradés » par rapport à un état naturel en mettant en avant que leur capacité d’épuration naturelle des polluants diminue avec leur taux d’artificialisation (Wang et al. 2015).
Pour mieux gérer la biodiversité des sols urbains, le premier enjeu est de mieux la connaitre. Cependant, les connaissances disponibles sur les caractéristiques physiques, chimiques et biologiques des sols restent ponctuelles et les données cartographiques n’existent pas pour les Zones Urbaines (la Base de données BDSolU (BRGM) ne compile que les données de contamination des sols urbains).
Depuis 10 ans les projets de recherche académique ou finalisée visant à la prise en compte des sols dans l’aménagement du territoire se sont multipliés : TUSEC-IP, Uqualisol-ZU, Landmark, SoilServ, Destisol, MUSE, SUPRA et beaucoup d’autres, en lien avec les collectivités territoriales. Il manque encore du soutien à ces initiatives et à leur transfert pour aboutir à des outils opérationnels sur le terrain.

Les freins

Contrairement aux sols agricoles, les sols urbains, qu’ils soient ou non dégradés, sont mal connus , mal reconnus (très peu de données cartographiques). Ce sont de plus des sols très hétérogènes (dans leurs dimensions verticales et horizontales).

On constate ainsi le manque de données de leurs caractéristiques physiques, chimiques et biologiques. Ceci rend difficile leur connaissance en amont de l’aménagement d’un projet urbain, et surtout amène une difficulté d’interprétation des résultats lorsqu’un diagnostic de qualité des sols est réalisé en milieu urbain, car absence de référentiels d’interprétation.

– Le déficit de connaissance de base (à l’école par exemple, l’objet arbre est par exemple étudié alors que l’objet sol ne l’est pas).

– Les études actuelles ne permettent pas par exemple de dresser un portrait complet de l’impact de l’artificialisation des sols en particulier sur les communautés de la macrofaune (ESCO, 2017)

– Même si le code de l’environnement (article R-122-5, 4°) impose la prise en compte de la qualité des sols dans la séquence « éviter réduire compenser », leur prise en compte effective dans les projets d’aménagement et documents de planification reste insuffisante

– La notion de multifonctionnalité des sols est encore très peu abordée dans les stratégies d’élaboration des documents d’urbanisme. Ceci étant dû au fait que 1/les sols ne sont pas encore aujourd’hui un sujet prioritaire pour les élus et que donc le transfert de connaissance se fait peu ou pas du tout et que 2/ les projets de recherche ont surtout réfléchi à comment intégrer les sols d’un point de vue opérationnel (projets urbains), et peu de réflexion ont été conduites à l’échelle de la planification territoriale (documents d’urbanisme), mis à part UqualiSol et Supra.

– Les visions et représentations des différents acteurs de la biodiversité des sols urbains restent variables et hétérogènes

– Qu’il y a une réelle attente de connaissances par les aménageurs, maître d’œuvre, experts qui voient bien la dimension 3D du sol mais qui peinent à avoir accès à des connaissances fiables. Nous manquons effectivement de données, de diagnostics, d’ingénierie, d’experts pédologues pour réussir à mettre en œuvre les bonnes décisions (par exemple la démarche en cours de compléments de l’Atlas de biodiversité de la métropole du Grand Nancy avec des données descriptives de la biodiversité des sols.)

Les leviers

Développer d’une manière générale la connaissance sur les sols urbains et leurs déterminants. Répondre aux besoins de Formation : Acquisition d’un langage commun : entrer dans le quotidien des acteurs.

 Développer les outils de sensibilisation : fiches pédagogiques, diagnostics participatifs, inventaires, (ex de la Fiche « Sols urbains mieux les connaître pour mieux les préserver » et de l’outil Jardibiodiv), sciences participatives.

– Envisager systématiquement dans les projets d’aménagement et dans la conception d’outils de planification les 3 démarches suivantes : observations de terrain + cartes pédologiques au 1/5000,+ carte des fonctionnalité (ex agrégation des données de RU)

– Développer des outils de gestion et de restauration de la biodiversité en collaboration avec les acteurs du territoire pour une meilleure appropriation. Il pourrait par exemple être intéressant d’intégrer la biodiversité des sols à un indice global de « multifonctionnalité des sols » ou « polyvalence d’usage » susceptible d’aider les choix d’usage des sols (projets d’aménagement, documents de planification).

– Creuser l’opportunité, les freins et leviers à la mise en place de trames brunes sur les territoires pour favoriser une continuité écologique pour la biodiversité des sols.

– Développer des outils tels que le RMQS pour servir de référence pour les paramètres biologiques ou indicateurs. Rendre les données cartographiques pédologiques accessibles au plus grand nombre. ex : La BDSolU s’intéresse aux polluants (sols pollués ciblés), elle doit être enrichie en points et en paramètres d’intérêt, y compris paramètres de biodiversité

– Permettre de mieux identifier les experts pédologues urbains

– Pouvoir bénéficier de facilitateurs pour le transfert des connaissances de la recherche à l’application aux territoires…peut-être faut-il réfléchir à de nouvelles manières de construire la recherche ?

– Au niveau de la recherche il serait utile de soutenir des travaux de recherche en lien avec :

• L’élaboration d’indicateurs pour les sols urbains
• Le développement des critères d’évaluation fonctionnels
• La dynamique temporelle des patrons de réponse est très peu prise en compte en conséquence, l’évaluation de l’effet de l’artificialisation reste statique
• Les effets de la matrice paysagère urbaine doivent être étudiés : importance pour la définition et la construction de la trame brune ?
• Nécessité de modélisation de la dynamique temporelle de la biodiversité dans les milieux artificialisés
– La nécessité d’alimenter des bases de données communes sur les caractéristiques physiques, chimiques et biologiques des sols urbains, afin de constituer des référentiels urbains nationaux.

Quelques ressources pour aller plus loin

Outils et guides :

Base de données BDSolU (BRGM)
ESCo, démarche d’expertise scientifique collective sur les sols artificialisés 2017
Jardibiodiv , observatoire participatif de la biodiversité des sols ;
Observatoire Participatif des Vers de Terre en Ile de France 2016-2021 (incluant données ECLAS 2017-2021)

Projets de recherche visant la prise en compte des sols dans l’aménagement urbain :

– Technique of Urban Soil evaluation in city regions – Implementation in Planing Procedures – TUSEC-IP
– Projet Uqualisol-ZU
– Landmark /
– SoilServ :
– Destisol et Destisol’AU :
– MUSE : intégrer la multifonctionnalité des sols dans les documents d’urbanisme
– Sols Urbains et Projets d’Aménagement : de l’échantillonnage des sols à l’outil d’aide à la décision d’affectation des sols – SUPRA
– TRAM’BIOSOL : «Intégration de la Trame brune des sols et de la biodiversité lombricienne dans les programmes d’aménagement urbain » :

Publications scientifiques :
– Thèse Anne Blanchart : « Vers une prise en compte des potentialités des sols dans la planification territoriale et l’urbanisme opérationnel »
– Thèse Yannick Poyat : « La cartographie des services écosystémiques rendus par les sols : un nouvel outil pour des projets d’urbanisme durable » http://theses.scd.univ-tours.fr/index.php?fichier=priv/2018/yannick.poyat_8186.pdf
– Les super pouvoirs des sols en BD : CEREMA –

 

N’hésitez pas à consulter la page de la revue EGS avec de nombreux articles sur ce thème et un numéro spécial sur « Communiquer et sensibiliser le grand public aux sols« 

PERSONNES RESSOURCES

Catherine KELLER

Catherine KELLER est Professeure au CEREGE au sein de l’équipe « environnement durable ». Cette équipe de recherche partage un objectif commun d’une approche systémique multi-échelles de compréhension des processus bio-physico-chimiques et des mécanismes réactionnels contrôlant l’émission, le transfert, l’accumulation le traitement et l’impact des contaminants et de la matière organique dans notre environnement. Catherine KELLER travaille plus spécifiquement sur la qualité des sols et l’aménagement du territoire, notamment par son implication dans le projet MUSE qui vise à intégrer la qualité des sols dans les documents d’urbanisme.

Anne BLANCHART

Anne BLANCHART est directrice du bureau d’études Sol &co. Anne Blanchart est docteure en sciences du sol et urbanisme. Au quotidien, elle met ses compétences pluridisciplinaires au service de professionnels et particuliers qui souhaitent avoir une meilleure connaissance de leurs sols et de la biodiversité qui y vit. Elle a créé en 2019 avec Quentin Vincent (docteur en écologie des sols), la jeune entreprise universitaire Sol &co (https://sol-et-co.com/), qui valorise plus de 10 années de recherche sur les sols urbains et leur biodiversité, et qui œuvre pour une prise en compte de la qualité agronomique des sols et de leur biodiversité dans l’aménagement du territoire, en réalisant des diagnostics de qualité des sols, des formations professionnelles et des animations scientifiques à visée pédagogique.

Xavier MARIE

Xavier MARIE est directeur de SolPaysage. Sol Paysage est un bureau d’études qui développe des activités d’Ingénierie, de Projet et de Conseil Environnemental, au service des maîtres d’ouvrages aménageurs ou gestionnaires ; des maîtres d’œuvre architectes, urbanistes ou paysagistes, voire BET VRD et des entreprises dans le cadre du contrôle externe de leur démarche qualité ou pour leur besoin de recherche et développement. SolPaysage travaille sur le développement de l’utilisation de bio indicateurs pour mieux répondre aux besoins de ses clients et replacer l’agroécologie au cœur de la ville pour fonder une véritable relation au territoire.

Soutenir l'AFES !

ADHÉRER OU FAIRE UN DON

Parce que l’AFES est une association, et ne peut agir que grâce au soutien de ses membres. Si vous appréciez ce que nous faisons, n'hésitez pas à faire un don ou à rejoindre le réseau de nos adhérent·es.