Jean-Baptiste-François ROZIE (Abbé)
Introduction
Né à Lyon et décédé dans cette ville, Correspondant de la Société royale d’Agriculture de France (liste de 1785) et membre de plusieurs sociétés savantes. Auteur d’un très célèbre dictionnaire
Biographie
D’une famille de neuf enfants dont il n’était pas l’ainé, il fut destiné à l’état ecclésiastique. Refusant d’entrer dans la compagnie des jésuites, il devint, à la mort de son père en 1757, le gérant de la propriété dont son frère ainé avait hérité, à Sainte-Colombe, au bord du Rhône en Dauphiné.
Bourgelat qui l’avait apprécié lui confia un cours d’Agriculture dans l’Ecole vétérinaire de Lyon qu’il fonda en 1761 et lui donna sa succession, en 1763, quand il s’en alla fonder Alfort. Mais ils se brouillèrent et Bourgelat obtint de Bertin la destitution de Rozier. En 1765 ce dernier reprend la direction du domaine familial, se lie avec Jean-Jacques Rousseau avec lequel il herborise, et vient à Paris en 1771. Il collabore au journal de Physique et d’histoire naturelle dont il devient le propriétaire et l’animateur efficace. Turgot, alors ministre, lui confie en 1775-76 une mission d’étude en Corse et dans le midi sur les moyens d’améliorer la production. Il est séduit par le Languedoc, cédera son journal (1781) à son neveu, l’abbé Jean-André Mongez. Entre temps, il est devenu célèbre et le roi Stanislas de Pologne lui propose la chaire d’Agriculture de l’université de Grodnp en Lithuanie. Il refuse et Stanislas, loin de lui en vouloir, le recommande à la cour de France. On lui donne le bénéfice du prieuré de Nanteuil-le-Hardouin. Ces revenus et ses économies lui permettent d’acheter la propriété de Beauséjour à quelques kilomètres au Sud est de Béziers, en direction de Vendres.
Ouvrages
C’est à Béziers que fut rédigée la plus grande partie de l’œuvre capitale de Rozier : « le Cours d’Agriculture », au moins les 5 ou six premiers tomes, entre 1781 et 1786. Rozier en était à la lettre R au moment de sa mort et l’éditeur fit achever l’ouvrage par des collaborateurs de rencontre. Mais les deux volumes de supplément (tomes XI et XII) furent écrits sous le premier empire par des hommes valables.
L’œuvre est donc très inégale et les critiques d’Arthur Young faites dés 1792 ont un fondement certain. Mais cette encyclopédie agricole, qui se présente comme un dictionnaire fut, à son époque, un évènement considérable. Auparavant il y avait eu “La Nouvelle Maison Rustique” de Liger (1700) dont la dernière édition avait paru en 1775 et qui péchait par ses théories douteuses et par des lacunes (la pomme de terre y était absente). La “Grande Encyclopédie” de Diderot avait de bons articles agronomiques mais ne couvrait pas tout le champ de la technique agricole. Rozier apportait un ouvrage cohérent, détaillé, et qui faisait le point sur les connaissances agricoles, alors en pleine évolution. Les ouvrages similaires du début du XIXème siècle ne le firent pas oublier et le pas suivant en matière d’inventaire des connaissances agronomiques fut franchi en 1843 avec le “Cours d’Agriculture” de Adrien de Gasparin qui reprenait d’ailleurs le même titre.
Carrière à Béziers
Rozier avait espéré trouver à Béziers le climat et le sol qui lui permettraient de faire la plupart des cultures pratiquées en France et de pouvoir ainsi vérifier “expérimentalement” les phénomènes sur lesquels il avait des doutes. Son cours avait donc l’ambition, très neuve à l’époque, d’être appuyé sur la pratique directe. Seul Duhamel du Monceau, à travers son frère, Duhamel de Boulainvilliers, avait montré la voie. Mais l’expérience de Béziers ne dura qu’un peu plus de cinq ans et, en 1786, Rozier vendit son domaine et regagna Lyon. On va voir dans quel contexte.
Béziers avait au XVIIIème siècle une activité intellectuelle notable. Sa Société savante, sans atteindre le niveau de celle de Montpellier qui avait le privilège d’être “un même corps” avec l’académie des Sciences de Paris, avait été fondée en 1722 et comportait quelques beaux esprits. Rozier se fit-il des illusions sur la vie sociale biterroise ? Il eut surtout un opposant coriace dans l’évêque, Monseigneur de Nicolaï. Celui-ci fit construire une route (un chemin) au milieu des terres de l’abbé. Les biographes de l’évêque restent discrets, sauf celui de 1837 qui indique : Le chemin “menait à une ferme ou vivait une fille entretenue, une Montespan de second ordre”. On a publié en 1905 la lettre de Rozier au maire de Béziers dans laquelle il se plaint de ne pas avoir eu de réponse à celle qu’il avait envoyée à l’évêché pour lui demander que soit porté remède à l’accumulation d’eau dans un bas-fond du chemin. En effet, après une pluie, les passants font le tour des zones inondées en pénétrant dans les champs et dégradent les cultures. Le carrosse de l’évêque, (qui passait par là, allez donc savoir pourquoi…) devait faire beaucoup de dégâts !
Il y eut des plaidoiries en justice et L’abbé Rozier fut gagnant. Mais, parait-il, l’évêque lui fit supprimer le bénéfice de Nanteuil-le-Hardouin et le pauvre abbé, privé de ressources dut vendre Beauséjour et regagna Lyon.
Fin de carrière à Lyon
L’Académie des Sciences de sa ville natale le nomma aussitôt parmi ses membres, il prit la direction de l’école pratique d’agriculture et de la pépinière régionale et continua son dictionnaire.
La révolution eut en lui un adepte enthousiasme il signa la constitution civile du clergé et accepta la cure d’une paroisse de Lyon, saint Polycarpe. C’est là qu’il mourût en 1793 lors du siège de la ville par les armées de la Convention. Il avait accepté d’occuper un logement au second étage, à la place d’une dame qui avait peur et une bombe lancée par les assiégeant perça le toit et le tua dans son lit.
Ouvrages post mortem
Son éditeur fit terminer le cours d’Agriculture par divers auteurs de sorte que les dernières lettres du dictionnaire sont moins fiables que les précédentes. Parmentier est donné comme coauteur de l’ouvrage qui a paru en 12 volumes et a été achevé à Paris en 1796.
Sous le premier empire deux éditeurs décidèrent de reprendre la publication et il a paru deux ouvrages se donnant comme les rééditions du “Cours complet … ”
– D’un côté, en 1809, a paru en six volumes un ” Cours complet d’Agriculture pratique, d’économie rurale et domestique et de médecine vétérinaire” chez Fr. Buisson à Paris. Les auteurs étant Rozier (†) et Parmentier, avec des collaborations nombreuses de savants et d’érudits pris presque tous hors de la Société d’Agriculture : Sonnini (qui a été l’animateur du groupe), Tollard ainé, Lamarck, Lafosse, Fromage de Feugré, Cadet de Vaux, Cadet-Gassicourt, Heurtault-Lamerville, Curaud, Charpentier-Cossigny, Lombard, Charpentier, Pouret, de Chaumontel, Louis Dubois, Demusset, Demusset-Cogniers, et Veillard. Cette édition se voulait essentiellement pratique. Musset-Pathay (le Demusset de la liste précédente) le dit avec force.
– De l’autre, en 1809 également, parait le “Nouveau cours complet d’Agriculture, théorique et pratique, contenant la petite et grande culture, l’économie rurale et domestique, la médecine vétérinaire, etc. ” Il porte le sous-titre : “Dictionnaire Raisonné et universel d’agriculture”. Il est édité à Paris chez Deterville. C’est le cours de l’abbé Rozier, révisé et surtout complété dans les deux derniers volumes par des articles, le plus souvent bien faits par une pléiade de membres de la Société d’Agriculture. Ces collaborateurs sont : Thouin, Parmentier, Huzard, Silverstre, Chassiron, Chaptal, de Perthuis, Bosc, Yvardn, Decandolle, du Tour. Cette liste contient les plus grands noms de l’agronomie du moment.
Il y avait donc à Paris, à cette époque, deux équipes d’agronomes ou assimilés, qui recueillaient l’héritage de l’abbé Rozier ! Cela nous donne la mesure de son influence et la portée de son œuvre. Il faudra attendre 1840 pour que la “Maison rustique du XIXème siècle” et les ouvrages de Gasparin et de Boussingault, viennent, dans l’édition française, prendre le relai du dictionnaire de l’abbé Rozier.
Jean Boulaine, Académie d’Agriculture de France