Le sol ne se limite pas à une simple surface que l’on foule. Il constitue un écosystème à part entière, essentiel à nos sociétés pour l’approvisionnement en nourriture et en matériaux, la régulation du cycle de l’eau et du climat, le recyclage de déchets organiques, la préservation d’un patrimoine biologique et culturel… Dans une société où la majeure partie de la population est urbaine, le risque de déconnexion entre les bénéficiaires finaux des services rendus par les sols et la prise de conscience de leur importance sont réels. Le sol, malgré son importance, n’est pas visible et donc mal connu de la plupart de nos concitoyens. L’indifférence de nos sociétés, associée à la pression des activités humaines et au manque de réglementation dédiée à la protection des sols, engendrent d’importantes dégradations, certaines quasi-irrémédiables comme l’imperméabilisation liée à l’urbanisation ou la contamination par des polluants persistants. En réaction à cette déconnexion mal vécue par les urbains, on assiste également à un retour du jardin, des potagers partagés, parfois de composts, des envies de nature, des discours bio, vert et très divers. Face à ce constat, connecter la science des sols et la société est un enjeu majeur. Les connaissances sur les sols doivent se démocratiser afin de faciliter la protection des sols et des services qu’ils nous rendent. Le besoin de renforcer cette « connectivité » est aussi mis en avant dans le concept de « sécurité des sols » (Richer-de-Forges et al., 2019). Ce transfert de connaissances sur les sols passe par la multiplication des actions de vulgarisation vers le grand public mais aussi dans l’enseignement et auprès des décideurs. Beaucoup d’entre nous en sommes convaincus. Souvent des d’activités pour tel et tel public sont demandées sur nos forums de discussions. A travers ce numéro spécial, nous avons souhaité porter à connaissance des expériences d’actions de vulgarisation et des ressources pédagogiques afin de favoriser leur multiplication et d’améliorer leur impact. En effet, si intervenir dans une classe d’école, proposer une exposition ou une animation lors de la fête pour la science sont des activités qui font très envie, elles sont souvent source d’interrogations. Comment adapter le discours pour des enfants, du grand public, des décideurs de demain et d’aujourd’hui ? Comment préparer une séance, une exposition, un stand ? Comment ne pas paraître rébarbatif ? Comment présenter notre sujet d’étude noir, sale et à l’apparence si banal comme un milieu riche et mystérieux ? Ce milieu est plus intéressant que les apparences, il mérite d’être creusé un peu. Comment transmettre cette
envie de creuser ? C’est ce qu’offre ce numéro spécial. En proposant l’idée d’un tel numéro, nous ne nous doutions pas du fort engouement de notre communauté scientifique pour mieux faire connaître et sensibiliser les plus jeunes, le grand public, les décideurs et les politiques à la beauté, l’intérêt et l’utilité du sol. Plusieurs d’entre nous ont réalisé des évènements ou des produits de vulgarisation pour une variété de publics et utilisables ou reproductibles dans divers contextes. Le retour de leur expérience ne fera qu’enrichir les réflexions de ceux qui hésitaient à se lancer.
Sans passer en revue tous les articles, on pourra noter la diversité des approches présentées. Certaines approches s’adressent délibérément aux plus jeunes au travers de dispositifs, de créations ou d’animations pédagogiques. Il s’agit de dispositifs incluant des aspects ludiques et à destination de publics scolaires principalement (Giot et Seger, Richer-de-Forges et al., Dulaurent et Houben, Hilaire et Sauter, Grégoire et Grenon pour un exemple québécois, et pour partie, Aran et al., Eglin et al., Besnard et al., Ortega et al.). D’autres sont plus largement destinées au grand public, comme la description de certaines expositions (Girard et Arrouays, Raous et al., Crespin et al.) ou d’animations, de découvertes et d’outils de sensibilisation (Garrigou et al., Blanchart et al., Schwartz, Besnard et al., Richer-de-Forges et al., et, pour partie, Aran et al., et Eglin et al.). Auclerc et al. proposent de connecter directement grand public et scientifiques au travers d’une application web de sciences participatives qui permet aux jardiniers amateurs de reconnaître les organismes des sols tout en collectant des données utiles aux scientifiques pour l’évaluation de la biodiversité des sols en ville. Un seul article est plus particulièrement destiné à la sensibilisation des décideurs (Jones et al.). Notons toutefois que les très beaux atlas qui y sont présentés peuvent également passionner le grand public, grâce à leurs qualités pédagogiques et leurs très belles illustrations. Nous saluons ici particulièrement ces auteurs étrangers, plus habitués aux sphères des politiques européennes et mondiales, d’avoir fait l’effort de soumettre cet article à notre revue francophone, article que nous avons spécialement traduit pour eux. Enfin, un dernier article nous entraîne sur des voies plus philosophiques et culturelles : Feller et al. dressent un panorama remarquable de différents modes de perception des sols. Accroître la sensibilité des personnes au sol est une clé pour que les sociétés d’aujourd’hui l’apprécient et en prennent soin.
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